On s’aime, on se met en couple et voilà que commencent les difficultés. Voici 3 erreurs que nous faisons (presque ) tous :
Erreur N°1 : la lecture de pensées
Avec la lecture de pensée, on fait les questions et les réponses dans sa tête. Plutôt que d’oser s’adresser à l’autre, l’on va, à partir de sa propre histoire et du passif dans la relation, imaginer des dialogues intérieurs qui sont toujours les mêmes. «Si je dis ça, il/elle va forcément répondre cela, et du coup, il va se passer cela…». Nous sommes seul dans notre tête et nous entretenons régulièrement ces conversations imaginaires qui nous empêchent de vérifier dans le présent la réalité de ce que vit l’autre à l’occasion de la situation ou de nous-même.
Erreur N°2: l’interprétation
«Ça veut dire que».Cette fois-ci, on va extrapoler à partir de notre propre expérience (parfois désastreuse), d’informations filtrées ou erronées ou de nos systèmes de référence. Et bien sûr, on va tirer des conclusions sur ce qui se passe. Ces conclusions qui viendront confirmer ce que, bien évidemment, on avait supposé… On reste donc dans notre imaginaire, sans se confronter à l’autre et à sa propre réalité, sans se donner la possibilité de saisir l’occasion de la rencontre, du partage, de la surprise, de la nouveauté.
Nommer à l’autre ce qui se passe, notre ressenti, notre émotion, notre cheminement, c’est prendre le risque d’avoir un impact sur l’autre. Écouter l’autre dans sa différence, dans l’expression de ce qu’il ressent (qui peut différer du nôtre), ses émotions, ses réflexions, c’est prendre le risque d’être impacté, touché, affecté par l’autre.Mais sommes nous prêts à nous laisser toucher?
On rejoue nos névroses
Or, nous sommes en permanence en train d’impacter et d’être impacté ! La relation est faite de cela. D’impacts, autrement nommés: de contacts. De cycles de contacts successifs qui se déroulent de manière plus ou moins fluide.
Alors, on rejoue nos histoires car c’est ce que l’on a appris depuis l’enfance, c’est la façon dont on s’est attaché à l’autre : nos névroses.
Et l’on refait ce que l’on a appris d’une part parce que c’est connu, rassurant et plus ou moins confortable, et d’autre part pour tenter de régler, de réparer ce qui a été souffrant, douloureux: les impasses, les drames… Cela signifie souvent de trouver (prendre?) chez l’autre ce qui nous a manqué: ne pas avoir (ou trop) été regardé, entendu, touché, pris en considération, aimé. Quitte à le manipuler, voire le lui extorquer. Et s’il ne répond pas présent, si l’on n’obtient pas de lui qu’il nourrisse nos besoins – dont parfois l’on n’a même pas conscience pour certains d’entre eux –, on va lui faire chèrement payer.
Un fonctionnement confortablement anxiogène
C’est connu, c’est là d’où l’on vient. C’est rassurant d’une certaine manière parce que c’est ce qui nous a permis de survivre. C’est confortable: on est devenu expert dans les codes et les manières de faire et l’on y est habitué. Et inconfortable car à la longue, cela a un coût, celui de la vitalité, celui de la liberté d’être soi-même et de partager avec un autre cette joie et cet enthousiasme de pouvoir se déployer à son occasion.
Dans cette reproduction, l’on choisit inconsciemment un autre qui a des traits communs (même si cela peut être anxiogène) avec nos figures d’attachement. Ainsi, l’autre et la relation sont générateurs d’anxiété et les éléments du scénario sont en place pour la répétition.
Erreur N°3 : l’idéalisation
On va idéaliser l’autre, le mettre sur un piédestal, conformément à un modèle interne d’un autre qui serait parfait et qui répondrait en tout point à nos besoins et à nos attentes. Ainsi, l’on va effacer chez lui tout ce qui pourrait être en discordance avec cet imaginaire pour qu’il réponde à notre tableau et un jour, forcément, on va lui reprocher de ne pas être conforme à cet idéal.
Bref, dans tous les cas, on ne rencontre pas l’autre tel qu’il est. On fait toujours la même chose. Choisir une personne à l’opposé de nos figures parentales, en réaction à ces dernières, c’est encore le même processus, cette fois dans une contre-dépendance à une forme ancienne et familière. Pas de liberté, pas de nouveauté, pas d’autonomie, pas de différenciation, pas d’individuation. L’on reste coincé dans notre passé, dans ce que l’on appelle des ajustements conservateurs. «Ajustements», parce qu’enfant, c’est ce qui, en adap tant nos comportements, nos attitudes, nos expressions à ce qui était attendu par notre environnement, nous a permis de traverser et grandir du mieux possible dans la situation. Ajustements «conservateurs», en effet, puisqu’ils semblent avoir plus ou moins bien fonctionné à l’époque ; dans la répétition, ils se sont chronicisés et sont devenus des schémas répétitifs, des rigidités.
Accueillir la nouveauté
Or, c’est la nouveauté qui fera bouger les choses, les relations, notre rapport à l’autre. Mais on ne le fait pas, on ne le sait pas, on ne l’a pas appris.
En fait, dans le couple névrotique, toutes nos pensées, nos décisions, nos actions, nos interactions résultent de notre imaginaire. Lui seul préexiste à chacun de nos mouvements, lui seul en garde les clés et le contrôle. Et comme ce n’est pas réel, que l’on reste dans notre tête à y faire les questions et les réponses, on ne rencontre pas vraiment l’autre, il n’y a pas d’altérité, donc pas d’ajustement créateur, pas de co-création, pas de coresponsabilité, pas de nous, pas de croissance, pas d’intimité.
Ce qui se cache entre « nous deux »
Entre l’autre et soi, il y a toujours quelque chose: des représentations, des idéaux, des croyances, des valeurs, des jugements, des illusions, des utopies, des attentes, des images, des critiques, des censures, qui vont présider à chacune de nos tentatives pour être en contact et en relation et qui vont nous empêcher d’être vraiment chez nous, dans nos «pompes», pour le rencontrer réellement.
Quand il y a un problème, on ne prend pas le temps de regarder de quoi l’on s’est saisi (de ce que l’autre a dit, n’a pas dit, a fait, n’a pas fait) pour se faire mal, pour activer une vieille histoire, gratter une ancienne plaie. On projette, on interprète, on procède à nos petits arrangements névrotiques pour apaiser un mental anxieux et confirmer encore nos hypothèses et déductions.
Les masques tombent
En fait, après la période souvent bénie de la rencontre où l’on se donne à voir sous notre meilleur jour, où l’on fait attention à soi, à l’autre, à notre désirabilité, au bout d’un moment, les masques tombent. Ou au contraire sont repris pour que l’on y cache notre ombre, notre laideur, nos infamies, notre indignité, notre infirmité, nos peurs, les monstres et les squelettes dans nos placards.
La relation est alors devenue une transaction non consciente et sans contrat ni contractant. C’est-à-dire que l’autre ne sait rien de ce qui se trame dans le fond alors qu’implicitement, il y a de forts enjeux de survie. Cela prend la forme de «un prêté pour un rendu», «je te donne ceci à condition que tu me donnes cela». «Si tu me fais ceci, je te fais cela», comme une litanie sous-marine, ad nauseam…
Les petits contrats cachés
En fait, la transaction se situe sur un plan bien plus caché. À savoir non pas avec le/la partenaire dans la réalité d’ici et de maintenant, mais avec un parent, dans le passé. Sommes-nous libres de nos actes et de nos mouvements dans la relation ? Non, nous sommes conditionnés par toutes les relations qui ont précédé et notamment celles avec nos parents et nos figures d’autorité. Bien souvent, on ne peut voir que l’on est activé en fonction d’attitudes et de discours intériorisés pour tenter de se faire bien voir, se faire valider et reconnaître par l’autre, spectre du passé.
Se libérer de son histoire pour éviter la crise
À ce stade de conscience, il est difficile de prendre le recul nécessaire pour s’interroger et se demander: «Si je fais ça, c’est pour faire plaisir – ou pas? – et à qui? à moi? à l’autre? à papa, à maman ? Pour garder une bonne image de moi, pour être quelqu’un de bien? Quelqu’un d’aimable? Pour répondre à des injonctions? Parce que c’est ça qu’il faut faire (et c’est écrit où?)?».
Suis-je vraiment libre de mon intention, de mon geste? Et le fais-je par amour de moi, de l’autre ? Pas sûr… car nombre de nos besoins sont «fabriqués» par nos croyances, notre histoire, nos manques. Personne n’est vraiment libre tant qu’il n’a pas effectué un réel travail de connaissance de soi. Et il est difficile de tisser une relation durable et dans la confiance réciproque dans ce pattern humain, universel et récurrent qu’est la répétition de la même chanson. Et c’est avec cela que l’on construit notre quotidien et que nous risquons d’aller dans le mur. Et la crise survient, mais pas de panique, c’est qu’il est temps de prendre conscience des dysfonctionnement et de se mettre à grandir ensemble pour sortir de ce cercle infernal.
Carlotta Munier. Extrait de Le couple, l’intimité et la sexualité. Éditions du Souffle d’Or 2021
Commentaires récents