Il y a autant de couples que d’individus certes et chacun peut avoir sa propre définition d’où parfois des surprises lorsque l’on prend conscience que l’autre a une vision parfois radicalement différente de la nôtre…
Définir le terme « couple »
Le terme couple et copuler ont la même origine: du latin copula « lien, chaîne, groupe de deux personnes liées par l’amitié, l’amour » et au figuré « union » (entre mâle et femelle). Copula est issu du latin cum (avec) et apere (attacher); et copulare: attacher, joindre, lier ensemble. Le cadre est posé, l’on parlera bien de la relation – de ce qui relie deux êtres dans les deux acceptions du terme – et de sexualité. Pour autant que l’on ait choisi de la vivre et de la partager car il existe des couples qui ont fait un choix différent. On les appelle des personnes asexuelles (qui vivent sans sexualité active) et/ou aromantiques (qui vivent sans relation amoureuse ou sentimentale). Cela ne signifie pas pour autant qu’elles ne peuvent pas vivre de relation de couple. Ici, nous ne parlerons pas de ces couples trop spécifiques.
Le couple névrotique
Voilà un titre à la fois provocateur et à la fois lucide. Car si l’on considère la névrose comme une souffrance psychique, la dimension névrotique est celle relative à la souffrance que les individus n’ont de cesse de chercher à apaiser, à soigner, à guérir car ils ont tous des blessures, des meurtrissures, des failles issues de leur propre histoire.
Et le couple est l’espace idéal où cette souffrance, intrinsèque à la nature humaine, s’exerce dans l’espoir d’être résolue. Chacun est dans l’attente que l’autre nous comble au niveau de nos besoins, de nos désirs non satisfaits, non résolus issus de la prime enfance et de la relation que nous avons tissée avec notre entourage à l’époque.
Ces impasses relationnelles, ces manques d’affection, d’amour, d’attention, de regards, d’écoute, de soutien, de toucher, d’espace, d’intimité, d’encouragement, de limites, de liberté, nous les portons en nous plus ou moins consciemment et, à l’occasion de stress, de difficultés, de craintes, de fragilité, elles surgissent, elles sont réactivées et cherchent apaisement ou résolution.
Votre partenaire n’est pas là pour prendre en charge votre névrose
Or, ce n’est pas à notre partenaire de prendre tout cela en charge.
Si la relation à deux implique un certain nombre de besoins relationnels à nourrir – sinon quel est le sens d’être dans une relation privilégiée –, elle n’a pas à prendre en charge tout ce qui a manqué dans la construction des individus qui la composent. Sortir de ces fonctionnements névrotiques demande un réel travail sur soi, de connaissance de soi, de ses difficultés, de ses souffrances, de ses manques, de ses craintes, etc., afin d’en prendre soin par soi-même. C’est une véritable démarche d’estime de soi que d’apprendre à s’accepter et à s’aimer avec ses blessures, plaies et cicatrices, sans pour autant avoir tout résolu. Nous en avons longuement parlé dans mes deux premiers ouvrages.
La relation est la tentative de ne pas faire porter tout ce paquet à l’autre, celui ou celle avec qui l’on a choisi de vivre. C’est chercher et trouver autant que possible dans chaque situation la justesse, la juste distance, le juste partage, la juste expression, et l’écoute de nos besoins et de nos ressentis ainsi que ceux de l’autre. C’est ce que l’on nomme l’intimité. Pour cela, il s’agit de (re)trouver le chemin de nous-même et de devenir souverain de notre propre royaume. La souveraineté, c’est s’être affranchi de l’histoire (que l’on se raconte) sur l’histoire, c’est sortir de la mendicité de l’amour pour enfin laisser apparaître l’être que nous sommes, au-delà des facettes de notre personnalité – les costumes de notre névrose –, et ainsi entrer dans une relation vraie.
Comment se rencontrer?
Si nous, femmes et hommes, avons tous un corps, un cœur, une tête et un sexe, il est clairement établi que nous ne fonctionnons pas de la même façon. Mais alors, comment nous rencontrer? Comment faire couple et comment vivre une sexualité vivante et épanouissante alors qu’il y a encore tant d’incompréhensions, d’interrogations, de croyances au sujet de la relation, de la sexualité, sur soi, sur l’autre si différent qui pourtant nous attire? Comment cultiver notre singularité qui fait de nous un être désirable et sans pareil? Comment se rejoindre sans se perdre dans l’autre ? Comment cesser de toujours tomber dans les mêmes pièges?
Qu’en est-il de la relation à soi et à deux aujourd’hui, dans un monde envahi par la pornographie et la vulgarité, soumis au terrorisme de la consommation et de l’individualisme, et victime du culte de la performance et de l’orgasme à tout prix? Qu’en est-il du cœur, de l’affectif, de la communication vraie et sincère? Quelle est la place de l’intime par rapport au génital? Quel est l’espace de se dire, de se dévoiler à l’autre dans sa vulnérabilité, de s’ouvrir sincèrement dans ses peurs, ses désirs, ses envies? J’ai déjà évoqué ces ques- tions précédemment dans mes autres ouvrages. Et pourtant, il y a encore tant à faire.
La racine de nos difficultés de couple
La confiance, la relation, le désir, l’intimité se tissent et se conjuguent sans cesse par des ajustements et des remises en question. Encore faut-il être curieux et avoir quelques clés. Cela suppose d’accepter de s’occuper de soi en premier lieu en retournant dans son histoire pour débusquer ses manques, ses besoins, ses attentes, ses désirs non exprimés et ses craintes. En prendre soin et ainsi cesser de les faire porter à l’autre. Car cet autre, différent de nous, n’a pas à prendre en charge nos blessures, nos carences, nos pénuries. Il n’a pas à réparer ce que nos parents n’ont pu nous donner de la façon dont nous l’aurions voulu. Cet autre, lui-même porteur de ses propres plaies, cicatrices, ne peut être cet idéal qui va venir combler nos béances. Et nous ne pouvons le faire pour lui non plus. C’est là la racine de nos difficultés de couple car nos premiers couples, constitués sans la conscience de qui nous sommes en réalité, sont des couples névrotiques que l’on crée pour tenter de réparer ce qui est blessé, abîmé, altéré, carencé ou spolié chez nous.
Un chemin vers soi avant tout
En tant qu’individu, sommes des êtres dont les ailes ont été coupées, les élans freinés, les mouvements stoppés, les cœurs brisés. Nous sommes des êtres pétris de représentations forgées d’introjects, de blâmes, de réprimandes, de jugements, d’interdits, d’anathèmes. La plupart d’entre nous n’aura de cesse que de chercher et de trouver cet autre dont nous attendons qu’il nous soigne, nous panse, nous répare et, bien sûr, nous aime pour qui nous sommes. Sauf que nous ne sommes pas nous-même ! Nous ne sommes que des ersatz des magnifiques personnes que nous sommes réellement, et ce, jusqu’à ce que nous nous soyons davantage rencontré. C’est- à-dire que nous aurons entamé le chemin de nous connaître, de nous révéler à nous-même et de nous accepter. « Un enfant blessé dans son intégrité ne cesse pas d’aimer ses parents, il cesse de s’aimer lui-même», Jesper Juul.
La relation, c’est donc d’abord un chemin intérieur vers soi. En attendant, dans la relation névrotique, nous sommes des mendiants de l’amour… Or, nous ne pouvons pas être défini et réduit par les sentiments amoureux que l’autre nous porte, ou pas!
Vers un idéal : le couple vivant
Le couple vivant a un prix. Celui de l’intimité qui résulte de cette capacité à être intime avec soi, dans la fluidité relationnelle et départie d’enjeux relatifs à notre histoire individuelle. Ce couple s’inscrit également dans une envie mutuelle de cheminer dans la danse du donner et du recevoir, dans la conscience que tout ce que nous faisons, tout ce que nous disons a un impact sur l’autre et génère la possibilité que cela ouvre des blessures (charge à l’autre de regarder ce dont il s’agit et d’en prendre soin) et l’inverse est tout autant vrai, sans intention de nuire.
Un couple vivant est un couple qui sait laisser à chacun la liberté d’être soi-même et soi-même dans la relation, dans un cadre co-construit, un engagement pris ensemble et régulièrement interrogé. C’est un couple qui sait susciter la joie, la légèreté, le jeu, l’érotisme, la vitalité, comme il sait faire face aux difficultés, aux épreuves, aux deuils dans le soutien mutuel. Il sait nourrir et cultiver les deux polarités qui se rejoignent dans l’entre-deux de la relation, la connexion des cœurs et la connexion des sexes. Un couple vivant est enfin un couple qui entre dans une dimension sacrée de la relation intégrant une sexualité qui a été rendue sacrée par la qualité de conscience, de présence et d’ouverture de cœur qu’elle demande.
Extrait du livre « Le couple, l’intimité et la sexualité » de Carlotta Munier aux éditions du Souffle d’Or.2021
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