Le stress, la performance, l’accélération, le besoin de contrôler, l’effondrement d’anciens modèles, l’évolution de la place et des rôles de la femme, voici plusieurs phénomènes qui questionnent les hommes, les désorientent et les coupent d’eux-mêmes. Le sexe des hommes ne répond pas toujours présent et les consultations en sexologie se multiplient. Il faut d’ailleurs du courage aux hommes pour oser appeler, puis oser venir déposer leur intime.
Trouble de l’érection, éjaculation précoce, anéjaculation sont les symptômes les plus fréquents que nous entendons dans la confidentialité de nos cabinets, mais ces symptômes ne sont que très rarement organiques (sauf maladies ou traitements médicaux), les causes sont ailleurs. La négation de nos rythmes biologiques dans une course effrénée, la sensibilité de la physiologie au stress, les difficultés relationnelles et les bouleversements socio-économiques et sociétaux sont autant de facteurs qui impactent la sexualité masculine. Comment l’homme peut-il (re)trouver son identité, (ré)inventer sa place et son rôle, auprès de la femme (dans une relation hétéronormée), et dans ce monde en mutation ?
L’homme est en recherche de repères
Car il est dit qu’aujourd’hui l’homme doit être puissant, pourvoyeur et protecteur, dur et doux à la fois, reconnaître ses faiblesses, avouer ses erreurs, exposer sa fragilité, tout en conservant sa virilité, sa force et continuer à être l’étalon qui fait jouir ces dames. Pourquoi pas ? Le tableau est-il utopique ? Juste séduisant ? L’homme en a-t-il le mode d’emploi ? Certes pas, il se cherche, se questionne ou au contraire reste figé dans ses illusions, ses représentations, tentant d’y trouver une once de réassurance.
Alors, si pour la femme, le chemin de l’épanouissement personnel et sexuel, c’est de s’autonomiser tout en restant dans la relation, celui pour l’homme, c’est d’ouvrir son cœur, de prendre le risque de la vulnérabilité et de l’intimité, d’entrer en relation d’abord avec lui-même en totalité et en intégrité, puis alors avec l’autre, tout en conservant sa liberté… Car l’homme est rarement « entier ». La société, depuis des siècles l’a poussé à se couper de parts de lui-même pour ne garder et ne montrer que son pouvoir, sa domination, son phallus. La puissance n’est pas le pouvoir, la relation n’est pas la domination, la performance n’est pas l’authenticité et la sexualité n’est pas que génitalité, pénétration ou violence.
Le chemin de la plénitude sexuelle pour l’homme est de passer de « baiser » à faire, voire à célébrer l’amour et pour cela, il lui appartient de se retrouver totalement, de se réconcilier avec lui-même ainsi qu’avec son sexe, en dehors des modèles passés ou critères véhiculés par certains médias. À cet égard, la femme est l’initiatrice de l’homme car elle le met en relation avec ses sentiments, ses émotions et il apprend à être plus en contact avec son monde intérieur, l’autre et le monde.
Dans l’histoire de l’humanité, les civilisations ont « évolué » du matriarcat vers le patriarcat et de nos jours, ce patriarcat reste très prégnant dans toutes les couches de la société, dans les relations humaines avec des valeurs telles que pouvoir, contrôle, conquête, domination, action (sans conscience). Mais point d’exagération, le patriarcat ne se réduit pas à ses dérives, il a permis aux civilisations d’aller de l’avant, au progrès d’advenir, à la science de se développer et à se rapprocher des étoiles. Cependant, on ne peut « penser la sexualité masculine » sans que se profile le spectre du patriarcat de la domination et de la peur de la femme, comme si la masculinité s’était inscrite en, contre, la féminité. C’est pourquoi de nombreux poisons coulent encore dans les veines et les cerveaux de beaucoup d’hommes (et de femmes) tels que la performance, l’impassibilité, la violence ou la crainte de la violence du père, la peur de la femme (ou de la mère)…
Et si nous regardions comment les remettre en questionnement ? Les valeurs masculines telles que décision, action, dépassement de soi, affirmation de soi, force, liberté, protection, structure, logique, droiture, mouvement, conquête, compétition, détermination, aventure, risque, indépendance… sont des qualités indispensables à développer pour devenir un être autonome, pour agir et être en relation. Qualités dont disposent les femmes également. Quelle saine place fait la société à ces valeurs aujourd’hui ? Et à la virilité ? Et dans quel cadre ?
Être un homme, serait-ce un défi ?
Le défi que je lance serait plutôt celui de l’intégrité. Or, l’intégrité est un chemin de connaissance de soi, d’acceptation de soi, de libération de dogmes, de croyances et de représentations pour n’être loyal qu’envers soi-même, en cohérence avec ses valeurs profondes, son monde intérieur, ses désirs, sa puissance, ses sentiments, ses craintes et ses limites et, ce faisant, en capacité de tisser des relations saines avec les autres.
Être un homme et se sentir un homme, inclut forcément cette relation complexe à son propre sexe et à la génitalité. Car l’acte sexuel le ramène toujours à qui il est. En effet, « bander » le fait se sentir un homme, un mâle. Mais être un homme ne se réduit pas à cela. Être un homme c’est l’être dans toutes les dimensions sensorielle, sensuelle, émotionnelle, psychique, relationnelle, sociale, symbolique, voire spirituelle. C’est un chemin d’individuation qui passe, entre autres, par remettre en question l’identification à son propre sexe pour devenir un homme intègre, c’est-à-dire, ayant intégré à une juste place l’instrument de sa virilité.
Devenir et être un homme intègre, c’est par conséquent revisiter ce qui a forgé son identité de genre. En effet, si cette dernière se construit trop en opposition à la mère et au féminin maternel, l’homme peut alors se couper de ses dimensions de douceur, d’intuition, de vulnérabilité, d’intériorité… C’est ainsi qu’il se coupe de son essence qui fait toute son humanité. Et si le garçon puis le jeune homme se construit en s’identifiant à un père fortement idéalisé qui l’est rarement, idéal, mais juste humain avec ses ressources, ses failles, ses peurs et ses croyances, il aura à clarifier, à explorer et à se départir de tout un pan de son édification pour se définir par et pour lui-même un homme debout. Le tout dans un contexte culturel et sociétal trouble, instable et insécure où, par surcroît, les femmes et les rôles ont changé. La tâche est rude.
C’est cette épreuve du feu à laquelle les hommes sont confrontés à devenir eux-mêmes, qui me touche et m’émeut profondément en tant que thérapeute, femme, fille, mère et sœur des hommes en humanité. C’est la raison pour laquelle j’ai écrit mon livre, pour accompagner, par-delà de mon cabinet, les hommes et les femmes en chemin, aux côtés de mes pairs, auteurs masculins et féminins qui m’ont inspirée et nourri ma réflexion.
Et la sexualité masculine ?
Il existe beaucoup d’écrits sur la sexualité masculine, de plus en plus, devrais-je dire. C’est pour moi un révélateur de cette nouvelle quête de l’homme, de se chercher et se définir en tant qu’être sexué – pourvu d’un pénis – à la différence des générations d’hommes silencieux qui l’ont précédé. Sortir des clichés, des modèles, des représentations pour vivre cette sexualité qui n’est pas qu’une affaire d’ego, ni même de juste bander et jouir. La sexualité masculine c’est ainsi une affaire d’être ici et maintenant, présent à soi et à ce qui se passe dans le ressenti, l’intimité et la relation.
La sexualité bouge, varie, se redéfinit et s’apprend tout au long de la vie : par la découverte de soi à laquelle elle invite, la sexualité évolue, s’apprend au fil du temps, des expériences – parfois traumatisantes – du désir, parfois en berne, du plaisir parfois frustré ou absent. L’épanouissement sexuel va de pair avec l’épanouissement personnel. Il faut du temps pour l’apprivoiser et cela nécessite des étapes, c’est une démarche de connaissance de soi, un chemin de vie. Et le temps et le rythme jouent. C’est l’inverse du « je veux tout, tout de suite » !!!
La carte n’est pas le territoire qui diffère selon qu’on est un homme ou une femme, mais en résumé, être sexuellement épanoui passe par restaurer son estime de soi, se regarder, s’accepter, s’aimer ; se centrer, ressentir et reconnaître ses besoins ; se départir de préjugés ; soigner ses blessures ; apprivoiser son corps, ses sensations, explorer sa sensualité, érotiser son corps ; développer son imaginaire érotique ; lâcher prise… et accueillir l’autre, unique, différent et complémentaire sans jamais être contraint(e).
Mais aussi, et plus spécifiquement pour les hommes, vivre une sexualité épanouie passe par sortir de la contrainte de performance et la honte associée sous-jacente ; sortir de la peur de la violence et du féminin, pour aller vers l’autre de manière saine et affirmée, sans crainte d’être rejeté ; apprivoiser sa vulnérabilité car là est la source de sa puissance (qui n’a absolument rien à voir avec la toute-puissance), sans se vivre détruit ; s’accueillir avec ses failles et ses limites (et celles de l’autre) pour gérer ses frustrations et faire la paix avec son sexe qui peut ainsi devenir son meilleur allié.
Extrait de La Sexualité masculine : puissance et vulnérabilité de Carlotta Munier aux Editions du Souffle d’Or
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