Je reçois de nombreuses femmes qui viennent me consulter en proie à baisse notable ou une disparition de leur désir sexuel.
Difficile à avouer pourtant car, à en croire les magazines et émissions, la sexualité et le plaisir, interdits il y a encore quelques décennies sont devenus à obligatoires !
Le droit au désir
Le droit d’avoir du désir, du plaisir, de jouir devient un devoir si l’on en croit les magazines et les émissions. Cela met ces femmes dans une contrainte encore plus prégnante.
Et cependant, je constate dans la majorité des cas qu’elles ne viennent pas pour elles-mêmes, mais pour faire plaisir à leur conjoint ; ou poussées par la crainte de le perdre ou qu’il aille « voir ailleurs », ou pour sauver leur couple… Leur partenaire, parfois ne dit rien, se referme ou investi tout son temps et son énergie dans autre chose que dans l’intimité ; ou encore peut menacer de prendre une maîtresse, espérant créer une réaction chez sa partenaire. L’homme, désirant et aimant, se trouve désemparé face au manque de désir féminin qui est incompréhensible pour lui, surtout s’il a été présent dans le passé.
Or il est une idée communément admise dans notre métier de sexologue que, venir en consultation pour l’autre ou pour sauver le couple n’a que peu d’effets sur le résultat !
La sexothérapie n’est pas une recette magique pour réveiller ce qui s’est endormi à force de paroles et d’exercices, c’est une véritable démarche d’autonomisation de la femme afin qu’elle puisse devenir responsable de son propre désir et son propre plaisir sexuel.
Se sentir femme
D’autres femmes, cependant, viennent par désir d’avoir du désir. Pour elles, pour se sentir plus femme, plus libre, plus vivante. Avec elles, le travail sexologique est bien plus facilité car elles sont curieuses et motivées.
Etre une femme, accepter de se vivre en tant que femme, accepter son sexe de femme et le vivre pleinement est un processus, un cheminement, car si on naît au féminin, c’est une vraie démarche de travail sur soi et de conscience pour intégrer cette dimension, une route qui mène à l’autorisation d’être femme pour accepter et vivre notre identité de femme.
S’interroger sur sa sexualité, c’est s’offrir la liberté d’être sereine, vivante et libre dans l’expression de ses désirs, ses pulsions. C’est accepter et investir ce corps de femme.
Et puis, la sexualité est un espace de rencontre avec soi et son histoire et avec l’autre et son histoire. Théâtre d’émotions, de ressentis, de peurs, de craintes, de joies, d’interrogations plus ou moins conscients qui se tissent, interfèrent ou se télescopent. Dans l’intimité et la relation à l’autre se joue, souvent à notre insu ce que nous sommes vraiment — produit de notre propre histoire.
Parfois, le désir peut faire peur. « Et si j’avais du désir, beaucoup de désir, que se passerait-il ? C’est comme si je lâchais un fauve en liberté, un fauve affamé, libre et potentiellement destructeur… Alors, autant s’en couper, c’est trop dangereux ». Est-ce le bon choix ?
La sexualité féminine alors ?
Ainsi pour la femme, la sexualité s’appréhende, se contacte et s’apprend d’abord au creux d’elle-même et se construit lentement dans l’exploration, l’écoute et la reconnaissance et cela passe par le corps, le ressenti, les émotions.
La sexualité s’apprivoise, bouge, varie et s’apprend tout au long de la vie. Par la découverte de soi qu’elle suppose, la sexualité se découvre, s’apprend au fil du temps, des expériences — parfois traumatisantes — du désir, parfois en berne.
L’épanouissement sexuel, la capacité d’être en relation intime avec soi et avec l’autre, va de pair avec l’épanouissement personnel. Il faut du temps pour l’apprivoiser.
Et le désir ?
La réponse est complexe, à l’instar du désir lui-même irrationnel, indicible, magique, éphémère, indomptable. Il nous fait pétiller lorsqu’il est là où crée un vide ou une amertume quand il s’endort ou disparaît.
En fait, le désir, c’est simplement le désir d’avoir du plaisir sexuel. Voilà une autre question complexe… Car elle touche à l’être lui-même. Nous sommes des êtres de plaisir, notre corps est conçu pour cela. En effet, à quoi sert donc ce clitoris à part nous donner du plaisir !
Mais ce n’est pas si simple pour beaucoup car au cours des siècles, le plaisir (qu’il soit masculin ou féminin) a souvent été nié, refusé, condamné… C’est tout un chemin de le réhabiliter. En théorie, c’est chose faite, mais dans notre réalité, même au 21ème siècle, il en va autrement.
C’est encore simplement une idée (quand bien même elle apparaît) étrange, bizarre, voire taboue pour une femme, d’avoir le droit d’avoir du plaisir. Quant à s’en procurer soi-même… Le pas est souvent trop grand à franchir.
Pour une femme, s’accorder le droit de jouir passe par une intégration de son identité de femme et donc son identité sexuelle. C’est un travail sur soi qui demande du courage, de l’audace, de l’engagement pour bousculer représentations, croyances, éducation ou réparer des drames.
C’est un chemin d’estime de soi, de légitimité et d’acceptation de notre potentiel érotique.
Parce que vivre une sexualité épanouie avec du désir et du plaisir, c’est s’émanciper de vieux schémas et de relations de dépendance à l’homme, c’est investir ce corps de femme et son identité, développer une intelligence sexuelle et des compétences. Et c’est une vraie démarche de connaissance de soi, et de responsabilité tout au long de la vie. Pour le bien être de chacune et chacun.
Le désir (comme la sexualité) ne vient pas tout seul. Le désir spontané est rare et circonstanciel : nouvelle rencontre, événement particulier, période du cycle menstruel. C’est une illusion d’imaginer qu’il va renaître tout seul. En revanche, le désir se crée, se prépare, se provoque, s’entretient. Comme un feu, il demande d’être nourri, non pas par le manque, mais au contraire par son évocation, sa préparation et sa réalisation régulières.
Redevenir souveraine
Alors, pour une femme, (re)connaître et (r)éveiller son désir, c’est accepter d’être vivante, active, autonome et responsable. Retrouver son désir passe par une réappropriation de soi. Restaurer son estime de soi, se regarder, s’accepter, s’aimer ; se centrer, ressentir et reconnaître ses besoins ; se départir de croyances ; soigner ses blessures ; apprivoiser son corps, ses sensations, explorer sa sensualité, érotiser peu à peu ce corps qui parfois lui est étranger, ne lui plaît pas, voire la dégoûte ; développer son imaginaire érotique ; lâcher prise…
Le désir est la prise de conscience d’un élan ; le plaisir, la satisfaction de cet élan ; la jouissance, la satisfaction que l’on goûte pleinement ; l’orgasme, le plus haut point du plaisir. La sexualité, comprise, acceptée et vécue pleinement comme un outil d’évolution nous permet d’accéder au meilleur de nous-même, à notre humanité, à notre liberté.
Le désir et le plaisir sont accessibles aux curieuses et aux exploratrices. C’est cette fibre joyeuse et vivante que nous avons soutenir et développer en tant que sexothérapeute.
En tant que sexologue et sexothérapeute, tout mon travail s’appuie sur ces 5 piliers à développer et à nourrir pour retrouver une liberté d’être en relation. Que ce soit en individuel, en groupe de femmes ou en stages, c’est ce chemin vers soi et vers sa propre féminité, passant par la prise de responsabilité et l’autonomie — mes leitmotive qui fondent ma pratique et ma posture.
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