Tout notre univers érotique adulte est influencé par nos perceptions, nos ressentis et notre histoire du toucher. Petite histoire de la fonction érotique du toucher.
Le toucher influence toute notre vie
Le sens premier est le toucher. Déjà dans l’utérus maternel, le fœtus n’est que sensations, caressé, massé, sa peau se constitue au contact du placenta, des mouvements maternels, des contacts sur le ventre. Il perçoit également, au fur et à mesure de sa croissance, les émotions de la mère qui lui créent des ressentis. Le futur enfant ne fait que capter et sentir. Il n’a pas la maturation nerveuse et encore moins psychique pour en «faire » quelque chose.
Par la suite, dès sa naissance, le bébé sera touché, porté, langé, lavé, caressé, massé… La façon dont lui seront prodigués les soins installe les prémices de ses futures capacités sensorielles, sensuelles, émotionnelles, motrices, relationnelles et donc sexuelles. Ainsi, il en gardera une empreinte profonde. Qu’il soit insuffisamment, trop ou mal touché, cela laisse des traces.
La peau, mémoire de notre vécu
C’est par ces contacts sur sa peau qu’il va peu à peu se sentir exister. La peau marque une frontière entre lui (son interne) et l’autre (l’externe). Elle acquiert ainsi une mémoire de tous les contacts reçus et vécus qui ira nourrir par la suite ses représentations de lui-même et du monde. C’est ainsi que ces traces conditionneront ses relations ultérieures.
Plusieurs personnes en difficulté avec leur sexualité ont très souvent des difficultés avec le toucher. Se toucher, toucher l’autre, être touché. Leur peau a été impactée dès son origine par les contacts reçus, l’histoire, l’environnement, les événements ; et son érotisation se sera plus ou moins développée en lien avec cette histoire.
La peau aime être touchée
La peau est le seul organe qui relie tous les organes sensoriels et les sensations. Cette enveloppe marque la frontière entre nous, l’autre et le monde. Elle nous protège, nous contient et nous permet également de nous sentir à l’intérieur ainsi que d’avoir une conscience de soi. Enfin, la peau est le seul organe réciproque. On ne peut pas toucher sans être touché en retour alors que l’on peut regarder sans être regardé. Elle est parcourue de terminaisons nerveuses et, dans notre histoire tactile, nous avons acquis la possibilité de (re)sentir ou non, de développer les sensations et de les qualifier en plaisir ou douleur (avec une infinité de variantes).
Le toucher au centre de notre univers érotique
Ainsi, la peau et le toucher sous-tendent le développement de la fonction érotique. Lorsque le processus s’est déployé harmonieusement, la fonction érotique est vivante et riche, soutenue par une bonne perception et proprioception de ce qui se passe dans la situation, en contact avec soi et en contact avec l’autre. Par contre, si le toucher de cet enfant a été sexualisé (c’est le cas des abus sexuels notamment), il est possible que l’accès aux sensations agréables et érotiques soit empêché. L’enfant, n’ayant pu gérer l’intrusion sexuelle dans son être, sera tenté de couper ses sensations et ressentis pour ne plus sentir ce qui est si douloureux, culpabilisant ou juste impossible à élaborer. Ou au contraire, il pourra développer des comportements d’hyper sexualité. Adulte, il pourrait être en difficulté avec toute cette dimension kinesthésique.
L’ambivalence du toucher
Si l’enfant a été insuffisamment, trop ou mal touché, il ne peut accéder à ses ressentis propres car il n’a pas intégré et assimilé le contact de manière saine et naturelle. Il ne sait pas sentir ni même nommer ce qui se passe à l’intérieur de lui dans le contact avec l’autre. Il peut même éviter tout contact. À l’inverse, il peut déployer une fonction érotique apparemment riche, tout en ressentant un grand manque d’être juste touché sans désir sexualisé, sans intention ni projet. Cette ambivalence entretient la confusion entre désir de tendresse et désir sexuel. Ces personnes risquent d’accepter des rapports sexuels alors qu’au fond, le besoin ne se situe pas sur ce registre.
Rééduquer le toucher pour embellir notre sexualité
En fait, quelle que soit notre histoire avec le toucher, cela aura une incidence sur toute notre fonction érotique et par conséquent, l’intimité et la sexualité. Alors, pour une personne en difficulté, il y aura à l’amener à revisiter le monde des sensations et des ressentis et à rééduquer sensoriellement son corps – dans un espace non sexualisé –. Puis celui de l’autre, afin, peu à peu, de reconstruire la fonction de contact de la peau sur de nouvelles empreintes. Enfin, de construire l’érotisation et la sensualité pour finalement accéder à ne sexualité intégrée dans un corps habité et vivant.
Extrait de Sexualité féminine : vers une intimité épanouie de Carlotta Munier aux Éditions du Souffle d’Or
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