Nos difficultés sexuelles peuvent se comprendre par le patriarcat dans lequel nous vivons. Petit rappel des faits
La différence fait peur. Elle vient de l’ignorance et elle est combattue. Et cette guerre dure depuis plus de trois mille ans!
Si vous souhaitez vraiment comprendre ce qui s’est passé et comment nous en sommes arrivés là aujourd’hui, je vous invite vivement à lire ce magnifique ouvrage d’Olivia Gazalé : Le Mythe de la Virilité. Particulièrement bien documenté, ce livre nous explique avec simplicité comment les rôles et places des hommes et des femmes, dans le monde d’aujourd’hui, sont issus de siècles de domination des hommes sur les hommes et des hommes sur les femmes. Héritage lourd et complexe qui transpire encore dans les comportements et attitudes des individus à l’insu de ces derniers, notamment en situation d’intimité.
Les femmes ont un pouvoir qui fait peur
Le pouvoir qu’ont les femmes de transmettre la vie fait peur aux hommes. Le potentiel orgasmique des femmes déborde les hommes. La sexualité et l’énergie sexuelle dérangent et effraient. N’ayant pu être accueillies et régulées, elles ont été réprimées.
La sexualité féminine est légère, joyeuse, sensuelle, ludique, folle, sauvage, créative, douce, lente, profonde, subtile, relationnelle, amoureuse, extatique, multi-orgasmique, secrète, discrète, mystérieuse, inattendue, imprévisible, puissante, émouvante…
Que peut faire un homme avec ça ? Il n’a pas les clés. Ça le dépasse, ça lui fait peur. Et comme lui-même n’a (avait) pas encore trouvé le chemin de sa propre sexualité en dehors de la soumission à ses pulsions et à son désir ( l’homme fait rarement la distinction entre les deux), comme il n’a pu accéder à la magie de son côté à lui, il se trouve impuissant et démuni face à cette Femme sexuelle et vivante. Alors, il a cherché à l’enfermer, à la condamner, à la détruire.
Cela fait quelques siècles que cela dure et nous, femmes, avons souscrit et perpétué ce modèle au travers de l’éducation, de notre silence, de notre propre soumission, de la perte de repères et de la perte du sens qui nous faisait aller à l’intérieur de nous-mêmes.
La sexualité masculine pulsionnelle – rappelons que l’homme sécrète bien plus de testostérone que la femme et que cette hormone pousse à la conquête, à l’agressivité et soutient le désir sexuel (dans le sens pulsion) – a mû l’homme pendant longtemps, faisant de son sexe en érection son étendard, son glaive, son sceptre et, par là même, lui a permis de déployer sa suprématie sur toutes les créatures, dont les femmes. L’homme, soumis et gardien du Phallus sociétal, devait tenir cette supériorité. Il le doit encore, coûte que coûte, même au prix de son identité, de sa virilité, de son âme et de sa planète.
Qui est capable, aujourd’hui, de lui (re)conférer sa noblesse et sa puissance ? Seules certaines anciennes traditions peuvent nous aider à réhabiliter progressivement ce qui a été dévoyé.
Le patriarcat : la violence contre la sexualité
Depuis plus de trois mille ans donc, le patriarcat est le contexte violent et guerrier qui a institué la sexualité comme un espace de pouvoir, de contrôle, de répression, de viol, d’abus, de droit de cuissage. Une sexualité de reproduction également. Pas de relation ni de sentiment. Aucune place pour l’altérité. À l’image de la pornographie de nos jours. Sauf que ce n’est pas du cinéma. Cette sexualité dissymétrique est encore bien réelle.
La répression des femmes se niche partout. On peut encore s’en trouver consterné de savoir que le clitoris n’existe pas dans les manuels d’éducation, du moins il réapparaît depuis tout juste quelques années. Et il nous a fallu pas moins d’une révolution pour avoir le droit de disposer librement de son corps quand on est une femme.
Et celle sur les hommes est également réelle ou l’a longtemps été. Ne serait-ce par la condamnation de la masturbation, réhabilitée depuis peu, et surtout par l’obligation de performance, par l’injonction de prouver sans cesse sa virilité. Mais je l’ai longuement évoqué dans mon précédent livre.
Le patriarcat va t-il disparaître?
En Mai 1968, la révolution sexuelle mène, a-t-on voulu le croire, à une libération sexuelle. Certes, la femme semble davantage libre dans son corps, dans son désir et son plaisir. Or, je constate encore bien souvent, avec tristesse, dans les confidences qui se déposent dans mon cabinet, que l’on en est encore loin de cette liberté d’être, de se dire et de dire oui ou non, quand on est une femme. Au xxie siècle, je trouve cela inacceptable, mais c’est la réalité.
Cette révolution a été salutaire et a permis une énorme avancée, mais elle a généré de nouveaux maux, de nouveaux troubles car avant, personne ne se questionnait vraiment sur le désir au féminin, l’éjaculation précoce, la multi-orgasmie… La performance n’avait pas encore touché le continent de la sexualité féminine. Or aujourd’hui, les femmes sont aussi soumises à cette tyrannie.
Que s’est-il passé? Les femmes ont commencé à exister et à revendiquer des droits! La sexualité a commencé à devenir individuelle, personnelle, non plus seulement une pulsion à assouvir, mais un espace où l’on peut être soi-même, un espace de partage, d’intimité où vivre le désir et le plaisir devient possible.
La sexualité peut elle devenir un espace de rencontre?
Pour qu’il y ait rencontre, il faut deux individus, donc deux personnes individuées, un toi et un moi. Cela crée une relation: toi et moi, ça fait nous. En théorie. En réalité, on ne nous apprend pas à être en relation et à prendre soin de cette dernière (le nous) et encore moins à avoir une sexualité épanouie qui dépend de la qualité d’intimité relationnelle que nous pouvons co-créer ensemble.
L’humanité est blessée et couchée sur le flanc. Les femmes sont blessées d’avoir été blessées et les hommes blessés d’avoir blessé (et inversement). Je rencontre beaucoup d’hommes qui ne supportent pas cet héritage de violence faite aux femmes, aux enfants, à la planète. Ils se décrètent «féministes» et refusent de souscrire aux discours sexistes, machistes, à la non-parité, à l’objectisation, etc.
Comment allons-nous nous relever? Faut-il un, des virus et autres confinements pour pouvoir descendre en soi et se questionner? Que faisons-nous? Qu’en est-il aujourd’hui de la relation à Soi, à l’Autre?
Oser se questionner, c’est oser aller regarder nos peurs les plus profondes. Les peurs narcissiques et les peurs de et dans la relation: l’intimité.
La femme a peur d’elle-même, de sa puissance, de ses désirs, de son plaisir, de son anatomie, de ne pas plaire, d’être rejetée, de l’autre, de se perdre, d’être soumise, d’être enfermée, d’être violée ou tuée, d’être sous emprise ou au contraire d’être autonome, puissante, voire toute-puissante et même castratrice.
L’homme a peur de la femme (et de la toute-puissance maternelle), de sa propre violence, de perdre sa liberté, d’être rejeté.
Et tous ont peur de ne pas être aimés.
Un chemin vers la sexualité épanouie
Le chemin, c’est de s’accueillir sans condition, de se connaître soi-même, de prendre soin de ses besoins et de s’ouvrir à l’autre et à ce qui est là, ici et maintenant.
L’on comprendra alors comme il peut être difficile d’être, de rester en couple. Un vrai challenge, un engagement, pour soi et envers l’autre. Et pour quelles raisons? Il existe une littérature abondante sur le thème du couple, c’est sans doute un reflet de la complexité et de la singularité de chaque relation.
Extrait de Le couple : l’intimité et la sexualité de Carlotta Munier aux éditions du Souffle d’or
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