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Il y a quelques temps, j’ai fortement réagi à une publicité pour un médicament « traitant » l’éjaculation précoce, j’y reviens.


L’éjaculation précoce n’est pas un problème médical !

Cette publicité énonçait que « l’éjaculation précoce est un problème médical… », pour le compte d’un laboratoire venant de mettre sur le marché un médicament, le Prigily®, pour aider les hommes souffrant de cette difficulté.

NON, l’éjaculation précoce n’est pas un problème médical, (du moins dans la majorité des cas), ni une maladie ! Mais c’est un énorme marché que les laboratoires viennent de s’arroger en la matière.


Une aubaine ?

Si l’on remonte le temps : en novembre 2012, paraissait l’article suivant : « Ejaculation précoce : la fin d’une longue attente. Le tout premier médicament contre l’éjaculation rapide devrait débarquer dans les pharmacies françaises dès 2013. Une aubaine, dans un pays où un homme sur trois s’estime éjaculateur précoce. […] Le premier médicament contre l’éjaculation rapide, le Priligy, arrive en France, et promet de mettre un terme à une situation vécue par beaucoup comme un véritable handicap. » Extrait d’un article de Marion Guéron paru dans lexpress.fr le 22 novembre 2012.


Un anti-dépresseur…

Le médicament en question est un IRS inhibiteur de recapture de sérotonine qui augmente la quantité de sérotonine dans le cerveau. En fait, c’est un anti-dépresseur. Si l’on savait que certains anti-dépresseur avaient en effet, un léger impact sur l’éjaculation précoce, leur efficacité relative et leurs effets secondaires ont dissuadé beaucoup d’hommes. Cet IRS est différent car il est à demi-vie très courte, ce qui signifie que les effets sont rapides et à courte durée, n’ayant pas l’effet d’un anti-dépresseur « classique ».

Cependant, lorsqu’on regarde les études de plus près, il s’avère que le résultat est loin d’être miraculeux. En effet, la prise du comprimé à dosage de 30 mg fait passer la durée de l’éjaculation de 1 à 3 minutes et celui dosé à 60 mg de 1 à 4 minutes.

Certes, ce résultat n’est pas dédaignable lorsqu’on connaît l’impact négatif sur l’homme lorsqu’il a cette difficulté, ainsi que sur le couple. Mais les effets secondaires (dose-dépendants) ne sont pas négligeables non plus. Il s’agit par exemple de nausées, migraine, étourdissement, diarrhée, somnolence, insomnie…

En fait, la question importante, me semble-t-il n’est pas là. Ce problème touche beaucoup d’hommes et nous, sexologues et sexothérapeutes, sommes bien placés pour en prendre la mesure.

Mais n’étant ni médecin, ni pharmacien, ni biochimiste, je n’ai pas la compétence pour juger cette médication, juste à signaler qu’elle fait l’objet de nombreuses réactions dans la communauté médicale dénonçant une balance bénéfice-risque défavorable.


Apprendre à marcher

La question qui me taraude lorsque je vois cette publicité, indépendamment du fait qu’on décrète que cette difficulté est un problème médical, venant ainsi faire les affaires des laboratoires pharmaceutiques, est pourquoi veut-on absolument donner des béquilles à ces messieurs alors qu’il serait plus simple et plus responsable de leur apprendre à marcher ? S’il est vrai que 3 ou 4 minutes gagnées, c’est important, pourquoi les devoir à un médicament alors qu’on peut les acquérir par soi-même en étant accompagné.

Pourquoi devenir médico-dépendants alors que dans la plupart des situations, les hommes peuvent apprendre à gérer leur difficulté ? C’est justement le propos de la sexologie et sexothérapie. Apprendre à marcher plutôt que porter des béquilles toute sa vie.

Les approches sexologiques obtiennent aujourd’hui plus de 80% de réussite. Quand je parle de réussite, je ne parle pas de passer de 1 mn à 4 mn, mais de permettre à l’homme d’éjaculer lorsqu’il le souhaite, dans la relation partagée, et non indépendamment de sa volonté + 3 minutes.


L’éjaculation précoce, une mode ? Un instinct ?

Rappelons que cette difficulté n’est apparue que lorsque la femme a pu obtenir le droit au plaisir. Avant, la femme n’ayant pas son mot à dire, que l’homme fasse son affaire rapidement ne posait de problèmes à personnes. Rappelons également qu’au XIXème siècle encore, l’homme de qualité se devait de remplir rapidement le devoir conjugal pour ne pas importuner sa compagne. Et puis sur le plan purement biologique, si l’on remonte à quelques milliers d’années, au temps préhistoriques, la priorité étant la reproduction, dans des conditions de vie précaires et menacées. l’éjaculation devait être rapide. La survie de l’humanité a probablement une dette envers l’éjaculation précoce… Cet homme est donc biologiquement parfaitement normal ! Faire de cette normalité biologique un problème médical me paraît incongru voire absurde. Chaque époque a sa norme en matière de sexualité. Il apparaît que notre époque semble prôner (et je le déplore) davantage la performance que la relation…


Une vraie difficulté personnelle et relationnelle

Donc ce phénomène et l’intérêt qu’il suscite sont récents, mais important. Les hommes qui y sont confrontés en sont malheureux. Cela peut les conduire à la détresse, la frustration et l’évitement de la rencontre sexuelle.

 

Cette difficulté touche également beaucoup d’hommes qui sont dans des profils plutôt anxieux, pressés, ne se posant jamais, étant toujours dans leur tête et jamais dans leur corps ou leurs sensations. Souvent prisonniers d’une contrainte de performance et enfermés dans un cercle vicieux de pensées automatiques négatives, ils semblent programmés dans une sexualité agit plus que ressentie et en relation. Dans le contrôle (avec son corollaire le risque d’échec) plus que la maîtrise, qui, elle, s’apprend. Or, cette difficulté relève dans la majorité des cas d’un défaut d’apprentissage relevant d’une inexpérience lors de l’adolescence.

Elle peut également concerner une catégorie des hommes ayant des difficultés dans leurs relations à l’autre.

Rien de médical là-dedans. Si l’éjaculation précoce peut parfois être un symptôme issu d’une des situations évoquées plus haut, en aucun cas elle n’est pas une maladie !


Un révélateur sociétal

En réalité, ce « symptôme » est bien plus révélateur de notre société actuelle en mutation et insécure : le stress, la performance, l’accélération, le besoin de maîtriser, l’effondrement d’anciens modèles, la négation de nos rythmes effrénés, la fragilité de la physiologie, les difficultés relationnelles et les bouleversements socioéconomiques et sociétaux sont autant de facteurs qui impactent la sexualité masculine. L’évolution de la place et des rôles de la femme, plusieurs phénomènes qui questionnent les hommes les désorientent et les coupent d’eux-mêmes. Le sexe des hommes ne répond pas toujours présent et les consultations en sexologie se multiplient.

L’éjaculation est un phénomène réflexe (médullaire) qui est lié à l’excitation. Il n’y a aucun remède miracle pour le retarder, une fois un certain seuil atteint, même celui qui vient d’arriver sur le marché. C’est donc sur l’excitation que se base l’accompagnement sexologique en apprenant à la moduler, la retarder, bref la gérer par soi-même, à partir de ses ressentis.

 

En revanche, dans certains cas (uniquement), il peut être intéressant de coupler la sexologie avec la médication. C’est souvent ce qui est recommandé dans les difficultés érectiles où la prise d’IPDE5 (Cialis®, Viagra® ou Levitra®) peut être le soutien permettant à l’homme de démarrer l’accompagnement sexologique plus sereinement afin de devenir autonome rapidement.

On peut alors envisager la prise de cet IRS comme une béquille à court terme…

 

 

*Je dois ce titre à l’un de mes formateurs, Yvon Dallaire, Psychologue, Sexologue et Auteur.